C’est une phrase que l’on attribue à Maxime Delcourt. C’était parait-il (je n’ai pas lu) le titre d’un ouvrage qui célébrait la création des années 75, de Brigitte Fontaine à Jacques Higelin… des gens que j’aimais bien. Je me rappelle juste de ce titre qui m’avait semblé très pertinent.
Ma création à moi a des zones de latence, si je puis dire. Entre l’information, le désir, et la réalisation, peut se passer une année, ou plus. Un temps pendant lequel j’ai envie de ne rien faire.
Alors je tripatouille des toiles anciennes, les « pas abouties », que je n’aime pas montrer au grand public. C’est incroyable la vie qu’il y a dans une toile ancienne, même pas finie.Et c’est un plaisir aussi de faire parler ces toiles délaissées, de les écouter, de sentir leur cheminement avant de leurs donner une nouvelle chance d’exister, même si cela doit changer leur aspect extérieur. Leur vie intérieure ne change pas. Je crois. Mais leur texture prend une autre tournure, elles s’étoffent, elles s’affirment. J’aime bien.
Ce sont des périodes, ces périodes de latence, où de vieilles toiles sont maltraitées, lavées, poncées, et prennent un aspect autre, forcément abstrait, mais au fond duquel une image dort. Je reprends alors sur des ombres, des contours suggérés, ou pas. Juste sur un mouvement obscur. Quelquefois une nouvelle toile émerge. Quelquefois non.
Si davantage de gens se rendaient compte de la vie des toiles peintes, c’est à dire s’ils prenaient le temps de regarder, d’écouter leur mouvement intérieur, au lieu de courir d’un bout à l’autre de la planète, alors les peintres vivraient mieux de leur travail. Et les rayons pompeusement nommés « art » des magasins de bricolage, ceux ou l’on vend au prix du bifteck des photocopies de toiles fameuses, ou des tableaux acryliques fabriqués à la chaîne dans « l’harmonie de couleurs qui conviendra à coup sur à votre salon » n’auraient plus de raison d’être.