La kinesthésie

La kinesthésie

Texte tiré de http://www.corinna-coulmas.eu

Le mouvement est inhérent au toucher. Le toucher se réalise dans le mouvement et le mouvement par le toucher. Quelque chose ou quelqu’un meut quelque chose ou quelqu’un d’autre : la cause du mouvement est un vieux problème philosophique. C’est le mouvement – associé par Aristote au changement, qu’il soit qualitatif, quantitatif ou de lieu – qui ordonne le temps et l’espace. Dieu comme Premier Moteur, le monde comme tactus et fluxus (Lucrèce), le sujet est omniprésent. Identifié à la vie, dont il assure la continuité, et à la conscience, dont il décrit le devenir et le renouvellement permanents, le mouvement est invoqué comme grille d’interprétation aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychique et intellectuel.

Ainsi, l’univers est en expansion, l’énergie est mouvement, et nous sommes des êtres en route – en mouvement sur le chemin de la vie, en mouvement dans toutes nos actions corporelles, pour lesquelles le repos n’est qu’une modalité particulière, et dans notre ascension (ou déclin) spirituels. Ce n’est certes pas un hasard si l’on traduit le concept clé de deux traditions aussi éloignées l’une de l’autre que le judaïsme et le taoïsme, à savoir tora et tao, par le même terme de voie. Toute spiritualité a son origine dans cette volonté de ne pas rester sur place, de se mettre en route, de partir pour se départir de ses certitudes.

Par ailleurs, chaque contact est dû à un mouvement, chaque élan vers l’autre, chaque caresse. Sexualité et mouvement sont indissociables. Le toucher est lié ainsi à l’éphémère. C’est ce qui lui confère sa fragile beauté. La performance sportive, la danse nous renseignent sur ces vertus cachées du toucher.